Le fameux discours de Patrick Rausis du 1 août 2001:
Chers amis de La Fouly
Chers hôtes du Val Ferret
Bonsoir
Il était prévu que je sois à la raclette et que le président vous fasse le discours. Mais
comme il a préféré racler, c'est donc moi, qui vous parle. Et je m'y emploie avec
bonheur et honneur.
Tout d'abord, c'est presque obligé, un petit peu d'histoire pour ceux qui auraient
loupé les chapitres précédents.
1291, sur la plaine du Grütli, petit coin tranquille avec une magnifique vue sur le lac, Werner, Arnold et Guillaume discutent autour d'un bon petit verre de vin blanc. Là les historiens ne sont pas tous d'accord sur la boisson. Peut être déjà des surplus de fendant, bien que 'es valaisans ne soient pas encore con...fédérés. Certain manuel font état d'un petit alcool local distillé au nez et à la barbe, pour ne pas dire au chapeau, des baillis de Rodolphe de "Habsbourg. "Cet alcool, outre ses qualités curatives, avait comme effet de défier les langues.
Ca discutaille donc ferme entre les trois compères. On s'engueule un peu, les esprits s'échauffent alors que le temps se rafraîchit. Ils sont toutefois d'accord pour allumer un feu dont la chaleur leur fera le plus grand bien. Tout un symbole à ce jour encore perpétué et ce feu annonciateur de l'Helvétie brûlera également dans quelques instants en mémoire de nos ancêtres.
C'est donc autour d'un feu que les trois gaillards décident d'unir les cantons de Schwyz, Uri et Unterwald en fondant la confédération helvétique. Ils concluent un pacte perpétuel pour la défense de leurs droits et de leurs libertés. Il est à noter que ceci ne fit pas du tout plaisir à l'Autriche et la mit même de fort mauvaise humeur. Mais il faudra attendre 26 ans et Morgarten pour que les Autrichiens défaits s'entendent dire: restez chez vous et pour ces histoires d'Europe unie on verra plus tard. Mais là c'est un autre sujet que je n'aborderais pas ce soir.
Mais en préparant ces quelques Propos helvético patriotiques, je me suis demandé qui finalement avait prononcé le premier discours du premier premier août? Lequel des trois parla le premier au nom de la Suisse. Dans son livre : L'art oratoire en Helvétie, AdoIf 0., ambassadeur en exil, mentionne à la page 291 : Werner était bègue et ses paroles étaient sans doute les prémices de nos actuelles hésitations. iI n'eut pas le temps de tout dire que Guillaume lui coupa la parole pour se rendre compte assez rapidement qu'il aurait mieux fait d'écouter les autres avant d'intervenir. Quant à Arnold. Il avoua par la suite qu'avec ce qu'il avait bu ce soir là, il lui était impossible de se rappeler tous ses propos. Mais qu'il était parfaitement d'accord avec ce qui avait été dit, quoique... C'était les début au pouvoir de la fameuse formule magique Suisse.
Bon, on n'est pas plus avancé. Mais finalement est-ce si important. Ainsi depuis 710 ans, chaque année le 1 août, des milliers de discours sont prononcés à travers la Suisse. Et en quatre langues en plus. Cela an fait des mots, des phrases et des paragraphes que souvent seul l'orateur est à même de pouvoir commenter.
Car selon les statistiques du dernier recensement fédéral, il s'avère que parmi la foule massée en nombre, attentive et silencieuse, seul le 2% écoute vraiment. Et encore, parfois que d'une oreille. Le reste "se répartit de la manière suivante:
48% des gens présents ne sont pas de la même langue que l'orateur
17% sont distrait par les pétards et autres fusées
8% pousse du coude leur voisin en demandant: qu'est-ce qu'il a dit?
13% se demandent pourquoi ce n'est pas le 2 août qui est férié
9 % s'inquiètent de savoir si ils sont bien placés pour le vin chaud
et 3% avouent être là par hasard.
Mais dans discours, il y a dis. Ce qui est dis doit être sensé et assemblé. Un discours c'est fait pour rassembler, pour haranguer. Nos amis politiciens l'ont bien compris et ils manient le verbe avec aisance. Certain en profite pour parler des heures et se faire des fidèles. Rassurez-vous, ce ne sera pas mon cas.
Dans discours il y a aussi cours. Un discours doit être court, concis, précis. Il doit faire mouche afin qu'on les entende voler. Les mots fatiguent lorsqu'ils ne sont pas forcément bien réunis. Et comme me disait hier encore un ami chauffeur de car: plus le trajet est court, moins le voyage est long! Forcément, vu comme ça. Alors je me suis dis: parle un peu de ce que tu connais le mieux.
Car finalement un discours du premier août c'est fait pour parler de cette Suisse que nous aimons. Faire vibrer notre fibre patriotique et revendiquer le coin de terre sur lequel nous habitons. Pour moi ce soir, c'est encenser ce Val Ferret que je chéris et qui me le rend bien.
Pour moi. parler du Val Ferret c'est :
Vous dire les six Niers, le tour Noir, les angroniettes Saleine.
L'a Neuve, l'etemaire et la djurette.
Vous raconter le four banal des Arlaches.
Ou ces forêts où résonnent les haches
Qui ont pour nom Mongiroud. I Bô ou fin derrière
Ou faire tourner pour vous le moulin d'Issert
Vous faire grimper aux lacs fenêtres
Où d'un coup d'œil vous voyez paîtrent
Moutons et vaches dans ces alpages
Où s'affinent de savoureux fromages
Vous faire sentir tous ces champs de fleurs
Qui au printemps colorent les prés
Ou à l'automne vous émerveiller
De ces mélèzes qui changent de couleur
Vous parler de tous ces jours où le soleil luit
Dans cet écrin de montagne où parfois sur les crêtes
Le vent en gerbe folle la neige projette
Et vous dire aussi ce fœhn qui hante nos nuits
Ca peut servir à ça un discours. A parier de ce que l'on aime et de où l'on se sent bien. Votre présence m'est témoin que je ne suis pas le seul à trouver dans ce Val Ferret ce terreau fertile qui nourrit mes racines et me donne la force de crier: je suis fier de vivre ici, je suis fier d'être valaisan, je suis fier d'être suisse.
Bon bien sûr, je ne parle pas de la suisse des banques ou d'une partie de I'économie qui engrange des bénéfices records pour encore mieux globaliser. C'est un mal nécessaire, je suis bien d'accord. Mais permettez moi de pousser un coup de gueule: il faut libéraliser la poste et rallonger le temps de tournée des facteurs. Ça c'est pour mon beau-frère, je lui avais promis d'en parler dans mes propos.
Je ne revendique pas non plus cette Suisse qui dépense des milliards en armement inutiles pour que quelques hauts gradés puissent jouer à la petite guerre, un mal nécessaire.
Non, je revendique cette Suisse ouverte et sincère qui a toujours joué la carte de l'accueil, du réconfort. La Suisse qui cherche à offrir un peu de son bien-être. Cette Suisse qui sourit et qui va de l'avant dans des élans de générosité. Mais oui cela existe.
Alors au nom de cette Suisse je vous souhaite la bienvenue dans ce Val Ferret ou le soleil annonce si souvent de brillants réveils.
Merci de votre attention et vive le 1er août
© Patrick Rausis
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